Lors de ma petite excursion dans le Pantanal, j’étais déjà allée faire un tour du côté de la frontière bolivienne. Ce qui m’avait tout de suite marqué, c’était la différence des personnes : il suffit de franchir la frontière pour se retrouver d’un coup face une multitude de petits gens améridiens (ce qui est relativement étrange car du côté brésilien, il n’y en a quasiment aucuns… Là on se rend compte que les frontières sont beaucoup moins perméables qu’en Europe). Ainsi, lors de ma seconde excursion en terre bolivienne, même choc : les boliviens sont très différents des brésiliens. Petits, les cheveux et yeux très foncés, le teint un peu bronzé. En gros, des personnes issues du métissages entre amérindiens et espagnols il y a des centaines d’années mais dont le pays a été par la suite relativement « épargné » les par les migrations étrangers. Pour moi et mon manque de physionomie absolu, c’était compliqué : ils se ressemblent tous !
Le ton a donc été donné dès le début : je m’apprêtais à entrer dans un pays très traditionnel dans le sens où peu influencé par la mondialisation (au niveau de la nourriture, des modes de vie, des tenues vestimentaires, de la musique… surtout de la musique…). Oui, en arrivant à l’aéroport de La Paz, on a directement eu le droit à la douce musique andine à base de flute de pan et… de flute de pan. Je croyais que c’était pour les touristes mais non, je n’allais pas tarder à découvrir que c’est vraiment la musique que les locaux écoutent à longueur de journée (j’avoue, à force, ça tape un peu sur le système car c’est toujours la même chose). Et puis en parallèle, à partir du moment où je suis entrée dans mon premier avion, tout le monde sans exception parlait espagnol (aucun touriste ni brésilien…). Je n’avais donc pas le choix, l’espagnol allait maintenant être de rigueur. Dépaysement absolu alors que je n’avais même pas encore quitté l’aéroport.
Et puis, pour me souhaiter la bienvenue, la Bolivie a décidé de ne pas accepter mes cartes bancaires. Avant d’arriver à La Paz, j’ai fait une escale à Santa Cruz (ville de l’intérieur de la Bolivie). Ayant un petit creux et n’ayant pas de bolivianos (la monnaie bolivienne), je me dirige dès mon arrivée dans ce nouveau pays vers un distributeur. J’essaye ma première carte. Echec. Ma deuxième. Echec. Ma première de nouveau. Echec. Rebelote avec un autre distributeur. Echec. Avec un troisième distributeur. Echec. Là, j’ai commencé à me dire qu’il y avait un problème. Quelques personnes sont venues me parler pour essayer de m’aider mais rien à faire, les distributeurs refusaient de me donner des sous. Sans trop paniquer, je me suis dis qu’une fois arrivée à La Paz (la capitale), j’aurais sûrement accès à des distributeurs internationaux (car je ne connaissais aucune des banques présentes à Santa Cruz). Que nenni. Toujours aucun distributeur familier et fonctionnant avec mes cartes à la Paz. On m’avait dit que la Bolivie se tenait volontairement à l’écart de la mondialisation et était très anti-américaniste mais à ce point… Mais c’est à ce moment que j’ai commencé à remarquer la présence de mon ange gardien. Ce n’est pas le premier voyage que je fais toute seule et je n’ai jamais l’habitude de partir avec du liquide ou des devises. Je prévois toujours de retirer en arrivant sur place . Jamais. Mais cette fois, je ne sais pas pourquoi, je me suis dit qu’il serait peut-être judicieux de partir avec un peu de reals, on ne sait jamais. Cet acte m’a bel et bien sauvé la vie car je suis arrivée à l’aéroport de La Paz, seule, sans un boliviano et sans moyen de retirer. Je me suis précipitée dans le bureau de change pour changer tous les reals que j’avais en ma possession (soit environ 30euros…). D’ailleurs la dame très peu aimable a presque refusé de faire le changement de devises car je lui ai tendu le peu de petits billets que j’avais, tous froissés (billets de personne bourrée comme disent les Brésiliens). Après presque 20 minutes de négociation en espagnol pour lui expliquer que si elle ne me donnait pas de bolivianos, j’allais rester coincée à jamais dans l’aéroport et éventuellement mourir de faim, elle a accepté. Me voilà donc sauvée, en possession de 180 bolivianos !
Et là, j’ai fait une rencontre incroyable. A côté du bureau de change, il y avait une toute petite pièce recouverte de photos qui servait d’office de tourisme. N’ayant encore aucune idée de ce que j’allais faire à La Paz, de comment rejoindre le centre ni même d’où j’allais dormir ce soir (oui oui je suis très organisée comme fille), je me suis dit qu’aller y faire un tour ne serait pas trop. C’est là je suis tombée sur un petit gars, d’une trentaine d’années, adorable. On a papoté pendant plus d’une heure sur la Paz mais aussi sur la Bolivie et il était visiblement très remonté contre le président actuel Evo Morales (dont je vous parlerai plus amplement bientôt). C’était extrêmement intéressant et alors que je n’avais toujours pas quitté l’aéroport, j’avais l’impression de déjà bien connaître le pays.
Fun fact de La Paz : Situé à 4000m d’altitude, El Alto est le seul aéroport 4×4 du monde. L’oxygène se faisant rare à une telle altitude, la portance est plus faible qu’au niveau de la mer et la piste d’atterrissage et de décollage a donc du être allongée histoire que l’avion ait le temps de freiner et de décoller (ça peut être pratique).
Faute de bus circulant à minuit depuis l’aéroport (j’aurai du m’en douter), j’ai du prendre un taxi et donc laisser s’échapper une grande partie de ma fortune si précieusement gagnée. La vue depuis la route qui relie l’aéroport au centre de la ville est juste incroyable : l’aéroport étant sur un plateau 400m plus haut que le centre ville, il faut descendre le long de la montagne pour rejoindre le centre. C’est là que j’ai vraiment réalisé ce qu’était La Paz : la plus haute capitale du monde à près de 4000m. C’est une ville de 2 millions d’habitants, perchée dans la Cordillère des Andes. De nuit, j’avais l’impression que le ciel étoilé se reflétait dans la montagne avec toutes les lumières de la ville. J’étais vraiment émerveillée et ça faisait rire le chauffeur de taxi. J’avais déjà eu l’occasion de voir un peu les sommets enneigés depuis l’avion (c’était d’ailleurs vraiment magnifique), mais là, c’était juste surréaliste. Et puis, en voyant mon intérêt, le chauffeur de taxi a décidé de s’improviser guide touristique donc il me parlait de la ville, me racontait l’histoire des différents quartiers qu’on traversait. C’était bien cool jusqu’au moment où il m’a expliqué que du coup la course allait être plus chère car il pensait que mon hostel était en bas de la rue alors que c’était en haut de la rue (j’ai refait le chemin le lendemain à pied, les deux points étaient séparés de seulement 400m…). Ha, oui car en Bolivie comme au Pérou, pas de compteurs de taxi, il faut négocier le prix avant d’entrer dans le véhicule (pas très pratique quand on a aucune idée des distances ni des prix pratiqués). J’ai rapidement compté mes billets pour me rendre compte que si j’acceptais l’augmentation, je pourrais survivre à peine 2 jours dans cette ville (car à ce stade, je ne savais toujours pas comment obtenir du cash). S’en est donc suivie une conversation assez mouvementée en espagnol à 11h du soir, dans les rues de La Paz, pour lui faire comprendre que je ne pouvais pas payer plus que le prix prévu initialement. Au bout d’un moment, il a compris que je ne céderai pas et il est parti.
Je n’ai eu qu’à marcher quelques pas dans cette nouvelle vie et je me sentais déjà sur une autre planète. Les rues grouillaient de monde et étaient presque effrayante car moyennement éclairées par les quelques néons des petits stands du marché de nuit. On y vendait de tout : des fringues, de l’électroménager mais aussi (et surtout) de la bouffe. C’était très étrange car les stands pour manger étaient de toutes petites baraques faites de bric et de broc avec chacune une table et deux bancs et devant une petite mamie qui faisait cuire sa viande et ses patates dans un espèce de gros wok. Les gens qui y étaient attablés me semblaient être pour la plupart des ouvriers de l’usine d’à côté. Manger avec eux étaient assez lunaire : certains ne faisaient que me regarder avec leurs grands yeux noirs, d’autres plus aventureux ont entamé la conversation. La première réflexion qu’ils m’ont fait c’est : pourquoi tu es toute seule ? J’ai bien senti qu’ils ont eu du mal à comprendre le fait que je voyage seule. Ils me parlaient de leur président (c’est devenu mon sujet de conversation numéro 1 avec les gens que je croisais), je leur racontais comment était ma vie en France et au Brésil. Mon espagnol était très approximatif mais on arrivait à communiquer. J’ai dû rester une heure attablée sur ce bout de bois au milieu de la rue avec ces petits hommes en bleu de travail. La nourriture était très basique : une saucisse d’abats, patates et riz. Ce n’était pas incroyablement bon mais le plat, très copieux, m’a coûtée à peine 50 cents d’euros. Rien à voir avec les prix brésiliens. Je suis rentrée vers 1h du matin dans mon hostel, croyant rêvée tant le choc culturel était important. Avant de me coucher, j’ai eu a chance de découvrir depuis ma chambre une vue imprenable sur la ville et sur ses collines, éclairées de petites lumières qui leur donnaient l’allure d’un ciel étoilé. Dès ma première soirée, j’étais déjà aux anges.
Ce qui était aussi très appréciable c’est que tous les matins, j’avais le droit dans mon hostel à un petit déjeuner bolivien au dernier étage de l’immeuble, avec une vue encore une fois imprenable sur toute la ville. Pour commencer la journée, on a vu pire.
Topographie
Les journées qui ont suivi ont été consacrées à la découverte de la ville et de ses environs. Pour vous situer un peu, La Paz a élu domicile dans un immense canyon aride au coeur de la cordillère des Andes. Alors que le centre de la ville se trouve dans le creux du canyon, la plupart des quartiers populaires se situent sur les flancs de colline ou sur le plateau. Cela explique l’altitude très variable de la ville, allant de 3 200m à 4 000m. Et puis, cette chaine de montagnes rocheuses au sein duquel se trouve la capitale est rendue encore plus belle par le présence du Mont enneigé Illimani qui domine la ville avec ses 5000m d’altitude.
Du fait de cet important dénivelé, il y a des téléfériques un peu partout dans la ville pour rejoindre les hauteurs. Et honnêtement, la vue de l’agglomération depuis ces téléfériques est juste surréaliste. On a un peu l’impression que la ville est une immense favéla, faite d’habitations en taule et en briques rouges. Le dernier étage d’une maison sur deux est d’ailleurs en construction, ce qui donne un air d’inachevé à la ville (étrange pour une capitale). Arrivée sur les hauts plateaux, je me suis retrouvée plongée dans un autre monde : même si le centre n’était pas particulièrement clinquant et organisé, les hauts quartiers sont clairement beaucoup plus populaires et désorganisés. Les gens sont différents aussi, leurs traits indiens sont davantage marqués. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est le changement de conditions climatiques : il fait sensiblement plus froid mais surtout, on sent vraiment que l’air se fait rare et que la pression a changé (en même temps, ces téléfériques nous font gravir 800m en quelques minutes). Avant d’arriver à La Paz, tout le monde m’avait mise en garde contre le mal d’altitude (soroche en espagnol) : passer du niveau de la mer à près de 4000m d’altitude en quelques heures, ce n’est pas forcément évident à gérer. Globalement les symptômes sont les suivants : compression des poumons, fatigue intense pour le moindre effort physique (quand la ville n’est constituée que de collines c’est pratique…), nausées, vertige, maux de tête, insomnie… D’ailleurs, dans l’aéroport de La Paz, juste en face des portes de débarquement, il y a un poste de secours spécial ‘soroche’, avec lits et bombonnes d’oxygène. Ca a le mérite de te mettre directement dans l’ambiance. Dans mon hostel, il y avait des argentins qui sont restés un jour cloué au lit en arrivant à cause de leur nausées et maux de tête… Par chance, à part un peu de difficulté à respirer, je n’ai rien ressenti dans le centre de La Paz (là où je passais le plus clair de mon temps). Mais en arrivant sur les hauteurs de la ville, donc 800m plus haut, j’ai commencé à me sentir mal. Cette sensation était vraiment étrange, de savoir qu’à certains endroits de la ville, je pouvais me sentir parfaitement bien et à d’autres non (surtout que sur le plan, les dénivelés ne sont pas indiqués donc c’est la surprise à chaque fois que je veux me rendre à un nouvel endroit : va-t-il y avoir une montée de la mort en chemin ? deux ? ). L’avantage de ce fort différentiel d’altitudes est qu’il y a un peu partout des points de vue incroyable sur la ville.
L’une des autres conséquences de cette haute altitude, c’est qu’en pleine journée il fait très chaud mais surtout que le soleil tape particulièrement fort. Quand je me baladais dans la rue, je voyais tous les gens se couvrir de vêtements de la tête au pied et ils se protégeaient le visage avec leur main quand ils n’avaient pas de chapeau. Plus bizarre encore, les gens se mettaient assis sur les bancs à l’envers, c’est à dire le visage posé sur le dossier du banc, pour tourner le dos au soleil. Parallèlement, j’étais en t-shirt sans crème soleil. Je me disais qu’ils étaient peut être comme les asiatiques à ne pas vouloir bronzer. Que nenni. C’est juste que si tu ne fais pas ça, tu crames. Je pense qu’à cette altitude, l’atmosphère ne doit clairement pas protéger aussi des rayons du soleil. Heureusement, en comprenant cela, j’ai toute de suite mis de la crème soleil car à la fin de la journée, je me suis rendue compte que mes mains étaient cramées (le seul endroit où j’avais oublié d’en mettre). Cette situation m’a d’ailleurs fait penser à cet endroit au Chili, également dans la Cordillère des Andes, qui est menacé par le trou dans la couche d’ozone qui s’y trouve. En gros, là bas, d’octobre à janvier, le soleil brûle littéralement la peau des gens qui s’y expose (sachant que les enfants sont particulièrement vulnérables).
Un peuple atypique
Comme je l’ai déjà un peu évoqué, les boliviens sont très différents de tous les peuples que j’ai peu rencontré dans ma vie. C’est un pays qui semble s’être développé en marge du reste du monde et des vagues migratoires (le fait que la Bolivie n’est pas d’accès à la mer et se situe dans les montagnes y est pour beaucoup). Ca se rend rapidement en jetant un coup d’oeil à sa population. Le peuple bolivien est né d’un métissage entre les indiens et les colons espagnols, et c’est un peu près tout. Les traits indiens sont donc encore très marquées au sein de la population : yeux noirs et plissés, cheveux ébènes, teint basané, de petite taille… D’ailleurs, j’ai trouvé qu’il y avait peu de différence entre les traits féminins et masculins. De la même façon, j’ai eu beaucoup de mal à estimer l’âge des gens : j’avais l’impression que les gens que je croisais pouvaient avoir 30 ans comme 50 ans parfois. Pour moi qui suit incroyablement non physionomiste, c’était compliqué. Par contre, le style vestimentaire est très genré (s’est à dire très différentié d’un sexe à l’autre) : les femmes ont de longues tresses noires jusque dans le bas du dos, qu’elles attachent à l’extrémité avec des rajouts de laine et des pompons colorés. Elles portent de longues jupes à plis (polar) et de multiples jupons qui donnent de l’épaisseur à la jupe (on a donc vraiment l’impression qu’elles sont toutes énormes alors que pas forcément). En dessous de toutes ces couches, elles mettent un épais legging en laine avec des petites sandalettes coloré (manta) se finissant par des longues franges. Le plus surprenant, c’est qu’elles portent pour la plupart un chapeau melon marron ou noir en feutre qui semblent tenir magiquement sur leur tête. Pour avoir la tenue complète, il ne faut pas oublier le grand morceau de tissu à rayures (aguayo) qu’elles attachent sur leurs épaules et qui leur sert pour tout : sac à main, fourre-tout, sac de course et même parfois porte bébé (si si je vous promets). Ce style vestimentaire est celui des cholas, les femmes aymara (peuple indigène descendant des Incas qui possède sa propre langue du même nom, encore très largement utilisée) et même si ça fait très cliqué, ce n’est pas juste folklorique ou pour les touristes. Bien au contraire, je n’ai pas croisé tant que de femmes habillées à l’occidentale lors de mes quelques semaines en Bolivie (et cela même dans la capitale). C’est réellement la tenue de tous les jours d’une bonne partie des boliviennes.
Ce qui m’a également frappée, c’est que les bonnes femmes, qui ont souvent plus d’une cinquantaine voire soixantaine d’années, n’ont aucun cheveux blancs. J’ai l’impression qu’elles gardent leur cheveux noirs ébène toute leur vie. C’est la même chose pour les hommes qui n’ont eux aussi que très peu de cheveux blancs.
Les hommes ont moins de codes vestimentaires : ils s’habillent très simplement, avec des vêtements en laine souvent noir ou marron.
Je me suis ainsi retrouvée plongée au sein d’une masse humaine très homogène où les gens ne se distinguent ni par leur trait physique ni par leur style vestimentaire. Je n’ai pas besoin de vous faire un dessin, avec mes habits de sports quechua moulants et colorés, mes longs cheveux blonds et mes yeux bleus, je sortais du lot. Mais ce qui était drôle c’est que tous les gens que je croisais me regardaient timidement quelques secondes avant de baisser la tête (rien à avoir avec le regard insistant des brésiliens qui vont jusqu’à se retourner sur toi quand tu marches dans la rue). Même s’il y avait d’autres touristes dans la capitale, nous n’étions pas nombreux et les habitants locaux restaient donc très intrigués par notre présence et notre allure. Très peu de personnes osaient me parler ou me poser des questions mais les peu de fois où j’ai engagé des conversations un peu plus approfondies avec certains boliviens, ils se sont révélés très bien viellants et intéressés par ce que j’avais à leur dire, et enchainaient souvent par des anecdotes personnelles. J’ai tout de suite trouvé ce peuple très simple mais pourtant très sympathique.
La ville aux mille marchés
Autre trait caractéristique de La Paz : toutes ses rues semblent remplies de marché et cela de jour comme de nuit. On y trouve de tout : des fruits, des légumes, des épices, de la viande mais aussi des vêtements, des outils, de l’électronique, des matériaux de construction,… En réalité, cela n’est pas surprenant car je compte sur les doigts de la main le nombre de supermarché que j’ai croisé en Bolivie (et encore, quand je dis supermarché, je parle de magasin pas plus grand qu’un petit casino). J’ai eu l’impression de me retrouver plongée plus d’un demi-siècle en arrière, quand chaque produit s’achetait dans des boutiques différentes : la viande chez le boucher, les fruits et légumes chez le primeur, les chaussures chez le cordonnier,… C’était vraiment super intéressant à voir.
Bon honnêtement, on trouvait aussi des trucs très bizarres dans ces marchés… Par exemple, un matin, je me suis retrouvée nez à nez avec une dizaine de foetus de lamas pendus à une échoppe. En voyant ma stupeur, la petite vendeuse m’a expliquée que les foetus de lamas sont considérés comme des porte-bonheur en Bolivie et qu’ils sont utilisés comme offrande à la déesse-terre Pachamama. Le plus souvent, ils sont enterrés sous les maisons, voire intégrés à la fondation de la bâtisse pour garantir au foyer bonne fortune et protection de la Pachamama. D’ailleurs, j’ai trouvé pour la première fois ces foetus au marché des Sorcières de la ville, ce n’est donc pas très étonnant…
Cette accumulation de marchés crée un chaos urbain assez indescriptible. Les rues sont remplies de petits stands qui s’étalent sur les trottoirs et sur la chaussée, se faisant et se défaisant tous les jours. J’y ai un peu retrouvé l’ambiance des souks de Marrakech mais à l’échelle d’une capitale toute entière. Les gens y grouillent avec leurs énormes sacs colorés sur le dos et les vendeurs se faufilent dans cette foule avec leurs énormes brouettes rouillées ou leur mulets. D’ailleurs, pour découvrir ce nouvel univers un peu fou, j’ai décidé de déambuler aléatoirement sans trop me préoccuper d’où j’allais… C’était cool car je me suis retrouvée dans des petites rues où aucun touriste ne semblait avoir mis les pieds avant moi à en juger par le regard des gens. Ce qui était moins cool c’est que je me suis vraiment perdue et quand j’ai voulu voir où j’étais, je me suis rendue compte qu’il n’y avait aucun nom de rue inscrit sur les murs et que les habitants du quartier parlaient plus quechua ou aymara qu’espagnol. En soi, ce n’est pas très grave mais j’ai quand même mis une bonne heure pour retrouver mon chemin (au centre d’une capitale, c’est quand même fou!). La bonne nouvelle de cette histoire, c’est qu’en me perdant, je suis tombée sur un petit marché local de produits en laine d’alpaga venant des hauteurs de la ville et j’ai donc pu acheter mon premier pull en alpaga 😀 (oui oui, ça me sera très utile à Rio).
Cette ville est donc pour le moins atypique et semble vraiment être coupée du monde. Je m’en suis rendue compte rapidement dès mon arrivée quand aucune de mes cartes bancaires n’étaient acceptées mais aussi en déambulant dans les rues lorsque je ne reconnaissais aucun nom de magasins ou de banques. C’est simple, il y a très très peu de magasins franchisés. La plupart des magasins sont des petites boutiques tenues par des familles et qui n’appartiennent à aucun grand groupe. Et le peu de franchises que j’ai pu remarquer sont presque exclusivement boliviennes (donc inconnues pour moi). Durant mon séjour dans le pays, je n’ai croisé comme enseigne connue que Subway et Burger King (pour vous donner un exemple, il n’y a pas de Mc Donald’s en Bolivie…). Je pense que le fait qu’il n’y ait que très peu de franchises internationales est entre autres le résultat de la politique alter-mondialiste et anti-américaniste menée par le Président Evo Morales. Dans cette optique allter-mondialiste, la grosse horloge du Parlement bolivien tourne dans le sens inverse. Cet acte symbolique a pour but de renier les pratiques imposées par le Nord aux états du sud. Impulsée par le Evo Morales, cette action vise à redonner son identité au peuple bolivien en s’opposant symboliquement à « l’impérialisme occidental » (car dans l’hémisphère Sud, les cadrans solaires tournent bien dans le sens inverse). Je vais bientôt consacrer une partie d’article au Président Evo Morales car c’est un personnage pour le moins intéressant et surprenant, d’une part parce qu’il est le premier président amérindien à réellement prendre en compte les revendications sociales et culturelles des populations indigènes sur le continent américain et d’autres part car il vient de tenter récemment de briguer un 4ème mandat présidentielle à coup de referendum (pas très démocratique tout ça). Mais chaque chose en son temps, je vous raconterai tout ça un peu plus tard.
A côté de ces marchés, il y a quand même des quartiers qui ressemblent plus à des quartiers occidentaux avec des hauts immeubles et des petits bars hipsters. A Sopocachi, j’avais un peu l’impression d’être aux Etats-Unis. Au contraire du centre, les personnes dans la rue étaient habillées à l’occidentale, en jeans ou en costard. Les immeubles étaient relativement modernes et les rues très propres (ce qui changent des rues du centre où l’installation permanentes des marchés s’accompagnaient d’une quantité de déchet à peine croyable). D’ailleurs, dans ce quartier, alors que j’étais assise sur une rambarde d’un belvédère pour admirer la rue et profiter de la fanfare militaire qui jouaient un peu plus bas dans le quartier, j’ai rencontré un hippie argentin super cool. Il avait tout plaqué dans son pays d’origine, vendu sa voiture et plus globalement tout ce qu’il possédait, pour aller découvrir son continent qu’il ne connaissait pas. Il m’expliquait qu’il vendait des petits objets en ferraille pour avoir une petite entrée d’argent tous les mois. Ca m’a fait rire car c’est vraiment le genre de gars que je croise dans la rue, qui vendent des conneries, avec leur sac de dreads sur la tête, dont je me dis qu’ils sont vraiment paumés dans leur vie. Au final, j’ai papoté toute l’après-midi avec lui, il m’a présentée à ces potes. Au final, on n’avait pas grand chose en commun à part le fait qu’on voyageait en Amérique du Sud, mais c’était vraiment cool et depuis, je vois ce genre de personnes vraiment différemment. Je pense toujours qu’ils paumés dans leur vie mais ils ont souvent un parcours de vie super intéressant. Et ce genre de rencontres, j’en ai des dizaines lors de mon voyage, des personnes toutes plus différentes les unes que les autres. J’ai adoré. Avec le recul, je me dis que j’aurais dû écrire à chaque fois quelques lignes à propos des gens que je rencontrais (du style Humans of New York), ça aurait été super cool. La prochaine fois 🙂
Ma première rencontre avec la Cordillère : el Valle de la Luna
J’ai également profité de ma présence à La Paz pour m’aventurer pour la première fois au sein de la Cordillère des Andes. Je dois dire que ce n’était pas si simple que ça car, pour économiser un maximum d’argent mais aussi pour prendre les moyens de transports locaux, j’ai voulu y aller en bus. Bien sûr, il n’y aucune carte ni sites internet qui détaillent les transports en commun de la ville, ça serait trop facile (mais bon avec Rio, j’ai déjà l’habitude). Quand je demandais aux locaux, ils me disaient d’attendre n’importe où dans la rue et d’attendre qu’un mini-van passe, muni d’une pancarte avec le nom de telle destination. C’était très vague. Mais bon j’ai tenté et rapidement, un mini van avec le nom de la destination que le gars m’avait indiqué est arrivé. Je monte, je m’assieds au sein de tous ces boliviens qui me regardaient avec un drôle d’air, se demandant sûrement si je ne m’étais pas perdue. Je baragouine un truc au chauffeur pour lui dire où je veux aller, en lui demandant de m’indiquer quand je dois descendre. Il m’a regardé et s’est contenté de hocher la tête, me demandant d’aller m’assoir. Et puis le temps passe… 20 min… 30 min… 1h… A en juger par les paysages montagneux et l’absence d’habitation, on avait clairement quitté La Paz. Là, je commence à me demander s’il n’y a pas eu un bug quelque part dans ma communication avec le chauffeur. Je demande autour de moi, personne ne connait l’endroit où je veux descendre. Pratique. Au final, j’étais bien dans le bon bus et au bout d’une heure et demi, je suis arrivée à destination mais j’ai vraiment eu quelques doutes sur le fait ou non que j’allais arriver au bon endroit. C’était d’ailleurs assez drôle car il y a deux types de bus en Bolivie : les microbus et les minibus. Et bizarrement, alors que les premiers peuvent transporter jusqu’à 50 personnes, les deuxièmes ne peuvent en transporter qu’une dizaine au maximum (sachant que des fois, ils ressemblent à des petits pot de yaourt tout tassés et n’acceptent que 3 ou 4 personnes). Et en réalité, les microbus (qui ressemblent à nos bus de ville) sont quasi inexistants donc la quasi totalité du réseau de transports en commun est constituée de ces petits combi/van qui ressemble honnêtement à des moyens de transports illégaux qu’à un service de la ville (souvent tout rouillés avec des sièges en cuire pas tout neuf…).
Là, j’ai visité la Vallée de la Lune, une site géologique assez impressionnant : c’est un espèce de canyon orangé désertique, constitué de milliers de stalagmites. Il y a un petit sentier qui se faufile entre les formations géologiques, c’est assez cool. On y croise quelques cactus et quelques joueurs de flutes de pan. Pour ceux qui connaissent, c’est assez semblable à Bryce Canyon (Utah, Etats-Unis). En soi, il n’y avait pas beaucoup de dénivelé mais chaque petite colline à gravir était un défi pour mes poumons. Sachant que j’allais passer le mois à venir à cette altitude, il fallait bien que je m’habitue.
Dans ce parc, j’ai rencontré 6 argentins qui ont du avoir pitié de moi, à force de me voir déambuler toute seule au milieu des cailloux. Ce qui était très drôle c’est qu’on s’est rapidement rendu compte qu’on était dans le même hostel à La Paz. A savoir, les Argentins sont repérables très facilement en voyage car ils se baladent en permanence avec leur herbe à maté (dont je vous ai déjà amplement parlé), leur petite tasse à maté et leur thermos (le fait de boire du thé bouillant quand il fait 40°C ne leur pose visiblement toujours aucun problème… ) et portent souvent le maillot de la sélection argentine. Ces Argentins n’échappaient bien sûr pas à la règle.
En vrai , heureusement que je les ai rencontré car le bus qui devait nous reconduire à La Paz n’est jamais arrivé. On est donc rentré en stop, en montant à l’arrière d’une grosse camionnette, au milieu d’un tas de branches. Et puis, les quelques jours qui ont suivi étaient vraiment cool car je suis restée avec eux. Je crois qu’à partir du moment où je les ai rencontré, ils ont décidé que j’étais leur petite soeur et ils n’ont plus voulu me laisser vadrouiller toute seule dans la ville. Le soir, c’était vraiment plus sympa de découvrir avec eux les bars de la ville. Avant de rencontrer cette petite bande de gars, j’avais déjà fait la connaissance de boliviens et de portugais dans la rue ou dans l’hostel donc ils se sont joints à notre groupe. C’était très cool, naturel et spontané. Un des portugais était en train de faire le tour du monde et avant d’arriver sur le continent américain, il avait déjà passé 15 mois en Asie. Du coup, il passait son temps à nous raconter des anecdotes un peu folles . C’était génial, d’autant plus que mon voyage a été ponctué en permanence de ce genre de rencontres avec des backpackeurs qui n’ont eu de cesse de me conter leurs aventures.
J’ai également rencontré un bolivien dans la rue un peu par hasard lors de mon dernier jour. En réalité, on s’est foncé dedans car j’étais pressée et que je devais me rendre à la gare routière de la ville. Voyant ma détresse, il m’a accompagnée et m’a aidé à prendre mon ticket de bus après avoir fait une veille comparative de toutes les agences proposées. C’était bien drôle. On est allé déjeuner ensemble après dans la rue et le soir je suis allée manger chez lui. C’est ce genre de petites rencontres inattendues qui me rappellent pourquoi j’ai voulu partir voyager seule.
Fun Fact 2 : il n’y a pas de cabines téléphoniques, les gens mettaient à disposition leur téléphone fixe sur leur balcon ou muret pour les gens de la rue en échange de quelques pièces.
Marine.